Résumé :

Pauline est une petite fille de quatre ans atteinte d’un cancer des os. Malgré les soins qui lui sont administrés, la maladie ne cesse de gagner du terrain. ce récit bouleversant, inspiré d’une histoire vraie, est raconté par son père.

Extrait :

Laisse-moi te dire à nouveau les mots par où commençaient nos histoires. Elles parlaient de géants et de fées, de pirates et d’Indiens, de lièvres et de lutins, de loups et de fillettes. La vraie vie est douce aux ogres plus qu’aux enfants. Elle égare Poucet au plus profond de la forêt, elle disperse les graviers blancs qui traçaient entre les arbres la route ensevelie du retour. La vraie vie dévore Hänsel et elle dévore Gretel ou elle les cadenasse pour toujours dans une chaumière d’enfer. Elle oublie Raiponse au sommet de sa tour. L’existence est une féerie claire et cruelle, une légende aux enluminures grotesques. Dans les marges des livres illustrés, indifférents aux mots dont nous nous rassurons ensemble, les démons comptent les heures et les sorcières préparent leur venin. Notre histoire est un comte semblable de terreur et de tendresse qui se dit à l’envers et commence par la fin : ils étaient mariés, ils vivaient heureux, ils avaient une enfant… Et tout commence encore, écoute-moi, puisqu’il était une fois…

Avis :

Un livre magnifique. Au-delà de l’histoire terrible qu’il relate, c’est l’une des plus belles déclarations d’amour qu’il m’ait été donné de lire. Philippe Forest tient à faire comprendre à son lecteur que face à une telle épreuve, les mots ne sont d’aucun secours, ce qui ne l’empêche pas de les faire résonner magnifiquement au sein de son texte. Le livre est divisé en neuf parties ; en épigraphe de chacune d’elles se trouve un extrait de Peter Pan de James Barrie : comme lui, Pauline ne grandira jamais et finira par rejoindre le Pays Imaginaire. La fiction se mêle étroitement à la réalité, lui conférant toute sa dimension de beauté et de tragique. En transformant sa fille en “être de papier”, Philippe Forest lui rend pour l’éternité la vie qui lui a été ravie trop tôt. Il mène également en parallèle une réflexion sur le roman et évoque des écrivains qui ont aussi vécu la mort d’un enfant. En plus d’être superbement écrit, ce livre aborde avec beaucoup de pertinence la question du deuil et l’image qui en est donnée dans la société. Un livre sublime, à lire absolument.

Note :

Philippe Forest ( 1962) – Français
399 pages – 1997 – ISBN : 978-2-07-040557-2