Art Souilleurs – Le coin lecture

Blog littéraire

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Kathryn Stockett – La couleur des sentiments

Résumé :

L’histoire se passe en 1962, à Jackson, Mississippi. Aibileen est employée chez Miss Leefolt où elle est domestique et nurse de sa petite fille Mae Mobley. Miss Leefolt reçoit souvent ses amies :  Miss Hilly revendique le bien-fondé des lois raciales et souhaite que dans chaque maison employant une bonne noire, celle-ci ait des toilettes réservées -de préférence dans le garage-, par crainte des maladies. Miss Skeeter est à la recherche de Constantine, la bonne qui l’a élevée et dont elle est sans nouvelles depuis bientôt deux ans.

Extrait :

Miss Skeeter regarde encore par la fenêtre la Buick de Miss Hilly. Elle secoue la tête, à peine. “Aibileen, cette discussion tout à l’heure… Ce qu’a dit Hilly. Enfin…”
Je prends une tasse à café et je me mets à frotter bien fort avec mon torchon.
“Vous n’avez jamais envie de… changer les choses ?” elle demande.
Et là, c’est plus fort que moi. Je la regarde bien en face. Parce que c’est une des questions les plus idiotes que j’aie jamais entendues. Elle a l’air perdue, dégoûtée, comme si elle avait mis du sel au lieu du sucre dans son café.
Je me remets à frotter, comme ça elle me voit pas lever les yeux au ciel. “Oh, non, Ma’am, tout va bien.
-Mais cette discussion, là, au sujet des toilettes…”
Et pile sur ce mot, Miss Leefolt arrive dans la cuisine.
“Ah, tu étais ici, Skeeter !” Elle nous regarde d’un drôle d’air. “Excusez-moi si je vous ai interrompues…” On reste plantées toutes les deux à se demander ce qu’elle a entendu.
“il faut que j’y aille, dit Miss Skeeter. A demain, Elizabeth.”
Elle ouvre la porte sur le jardin. “Merci, Aibileen, pour ce déjeuner.” Et la voilà partie.

Avis :

Vu les nombreux avis positifs glanés sur ce livre, je n’avais pas trop de souci à me faire (et pourtant, je repense aux patates et je trouve que ma circonspection est parfois justifiée). Néanmoins, j’ai été vraiment happée par cette histoire, et de façon très agréable. Le recours aux bons sentiments n’est pas excessif et j’avoue avoir très vite adhéré à l’intrigue. Les personnages ne sont en effet pas si caricaturaux que ça et j’ai apprécié qu’ils soient présentés sous un jour contrasté qui leur donne, à mes yeux, une consistance plus humaine. J’ai été touchée par Aibileen et Minny, mais aussi par Skeeter dont j’ai apprécié l’évolution : autant au début, son côté “je débarque complètement” m’a un peu agacée, autant j’ai apprécié son investissement au fur et à mesure de l’aventure. C’est un livre qui nous fait prendre conscience de la situation des Etats du Sud dans les années soixante, sans doute mieux que si on lisait un article historique sur cette époque. Le post scriptum de l’auteure m’a aussi beaucoup touchée et j’ai aimé comprendre comment elle s’était réapproprié la réalité pour créer cette fiction et rendre hommage à sa propre bonne. Une parfaite lecture de vacances !

Note :

Kathryn Stockett (1969) – Américaine
526 pages – 2009 – ISBN : 978-2-7427-9291-7

Brian Evenson – La confrérie des mutilés

Résumé :

Kline est un détective qui a perdu une main lors d’un règlement de compte. A cause de cette caractéristique, il se voit confier une enquête au sein de la confrérie des mutilés : une société secrète composée de mutilés volontaires. Dans cette société, la hiérarchie se fait en fonction du nombre d’amputations. Pour gagner la confiance des membres de cette secte, Kline va devoir faire quelques sacrifices… mais jusqu’où est-il prêt à aller pour découvrir la vérité ?

Extait :

Il ne comprit que plus tard pourquoi ils l’avaient contacté, trop tard pour que l’information lui soit utile. Sur le moment, tout ce que les deux hommes lui avaient dit au téléphone, c’était qu’ils l’avaient vu en photo dans le journal, avaient lu le récit de son infiltration et de son prétendu héroïsme, et comment, même confronté à l’homme au hachoir – ou plutôt “le gentleman au hachoir”, comme ils préféraient l’appeler – il n’avait pas bronché, n’avait rien laissé paraître. Etait-il vrai, insistaient-ils, qu’il n’avait pas bronché ? Qu’il s’était contenté de regarder l’homme soulever puis laisser tomber le hachoir sur sa main, soudain transformée en une créature distincte, moribonde ?
Il n’essaya même pas de répondre. Il se contenta de presser le téléphone contre son oreille de sa main valide, les yeux rivés sur le moignon à l’extrémité de son autre bras, bout de chair luisant et légèrement fripé, desquamé, à vif.
“Qui est à l’appareil ?” finit-il par demander.
Ses correspondants éclatèrent de rire.
“C’est la chance qui frappe à votre porte, dit l’un d’eux, celui à la voix grave.”

Avis :

Voici une histoire vraiment hors du commun ! J’avoue avoir commencé ce livre avec une once d’appréhension face à ce qui allait m’attendre et je n’étais pas au bout de mes surprises. Le problème c’est que ces surprises ont parfois été mauvaises ! Il y a des passages qui sont assez horribles et, même si ce ne sont que des mots, j’avoue avoir eu du mal à lire certains paragraphes.
Le style est plutôt agréable et le récit est bien mené. Pourtant, l’histoire est si étrange (il fallait beaucoup “d’imagination” pour imaginer une telle secte !) et malsaine que j’ai eu du mal à passer outre et à vraiment prendre du plaisir dans cette lecture souvent trop glauque pour moi !
Un livre qui ne me laissera donc pas un très grand souvenir !

Note :

Brian Evenson (1966) – Américain
222 pages – 2006 – ISBN : 978-2-264-04920-9

Glenn Cooper – Le livre des morts

Résumé :

A New-York, en 2009, une série de morts inexplicables sèment le trouble dans les journaux. Les victimes, décèdent après avoir reçu une carte postale ornée d’une tombe et de la date de leur mort à venir. Will Piper, profileur au FBI, se penche alors sur ces crimes et tentent de découvrir l’identité du tueur en série, mais il n’est pas au bout de ses surprises…

Extrait :

Il posa le caniche et alla chercher son courrier, le triant immédiatement par piles en gestes compulsifs. Factures. Relevés de comptes. Publicités. Courrier perso. Ses catalogues. Ceux de sa femme. Des magazines. Une carte postale ?
Une simple carte postale blanche, portant son nom et son adresse, en caractères noirs imprimés. Il la retourna.
Une date était inscrite : 22 mai 2009. A côté, une image qui le bouleversa : un dessin de cercueil. On ne pouvait s’y méprendre. Haut d’environ deux centimètres et demi, dessiné à l’encre, à la main.
“Helen ! Tu as vu ça ?”
Sa femme arriva dans l’entrée, ses talons hauts martelant la pierre. Elle était parfaite dans son tailleur Armani turquoise pâle, avec son double rang de perles s’arrêtant à quelques centimètres au-dessus de ses seins, assorti à ses boucles d’oreilles qui jouaient à cache-cache parmi ses mèches très chic. C’était une belle femme, tout le monde s’accordait là-dessus.
“De quoi parles-tu ?
- De ça. ” Elle jeta un coup d’oeil. “Qui te l’a envoyée ?
- Il n’y a pas d’expéditeur.
- D’après le cachet, ça a été posté à Las Vegas. Tu connais quelqu’un là-bas ?
- Comment veux-tu que je sache ! J’ai fait des affaires là-bas… Mais rien de particulier !
- Peut-être qu’ils lancent un nouveau produit, que c’est une campagne de pub originale, suggéra-t-elle en lui rendant la carte. Demain, tu auras une autre carte qui expliquera tout.”
Il se rangea à son opinion. Elle était intelligente, et savait démêler les situations compliquées. Mais tout de même… “Quel mauvais goût ! Un cercueil, merde alors. Non mais, tu te rends compte !
- Ne pense plus à ça. Nous sommes tous les deux rentrés à une heure civilisée. C’est pas génial, ça ? Et si on allait chez Tutti ?”
Il posa la carte sur la pile des pubs, et lui caressa les fesses.
“Et si on commençait par s’amuser un peu tous les deux ?”

Avis :

Je dois tout d’abord adresser un grand merci à mon frère, Sébastien, qui m’a conseillé ce livre. J’avoue avoir été emballé par cette histoire ! Au début, on ne sait pas trop où l’auteur veut nous conduire : les chapitres se suivent mais ne se ressemblent pas, On part dans des lieux et des époques qui a priori n’ont rien à voir les unes avec les autres, ce qui aiguise notre curiosité. Et puis petit à petit, après avoir mis en scène tous ses pions, Glenn Cooper commence à nous en dire un peu plus et à nous révéler progressivement l’histoire incroyable qui se cache dans ce livre.
J’ai aussi beaucoup apprécié les personnages qui ont chacun une personnalité bien marquée. Comme me le faisait remarquer Sébastien, Will Piper, l’enquêteur du FBI, a un côté Jack Taylor qui devrait beaucoup plaire aux amateurs de Ken Bruen.
Bref, c’est un livre que je vous recommande vivement en cette période estivale, idéal pour passer un bon moment. Attention cependant, une fois dans l’histoire il sera difficile de refermer ce livre puisque des révélations vous attendent jusqu’à la dernière ligne. Je ne vous en dit pas plus, je ne voudrai surtout pas vous gâcher le plaisir de cette lecture !

Note :

Glenn Cooper (1953) – Américain
507 pages – 2009 – ISBN : 978-2-266-19216-3

Florian Zeller – Les amants du n’importe quoi

Résumé :

Tristan pense qu’il aime Amélie mais il la trompe et culpabilise de la tromper. Elle est si fragile, il aimerait la protéger, pourtant il ne peut s’empêcher d’aller voir ailleurs et s’enferre dans cet amour qui ne semble aller nulle part.

Extrait :

Sans doute l’intelligence consiste-t-elle à pouvoir cumuler des idées contradictoires, sans pour autant perdre sa capacité à vivre, à penser, à agir. Savoir, par exemple, que tout est destiné à mourir, et croire en même temps à l’avenir comme un enfant qui ne sait pas encore. Mais voilà : il ne peut plus continuer ainsi. Les deux vies qu’il mène sont fondamentalement incompatibles. Entre les deux, même s’il s’en sent incapable, il doit choisir.
En géométrie, une sphère est une surface dont tous les points sont à égale distance du centre.
Tristan est prisonnier d’une sphère, puisque tous les objets désirables qui l’entourent se trouvent à égale distance de son moi. Il ne parvient pas à savoir celui qu’il préfère.
Cette sphère est la figure de l’immaturité moderne. Elle positionne l’être comme un enfant dans le ventre de sa mère, et, à travers cet état d’incertitude permanente, c’est notre propre commencement que nous recherchons.

Avis :

Je suis assez partagée à propos de ce roman. J’ai apprécié le style de Florian Zeller et son récit est émaillé de remarques très justes. Mais en même temps, je l’ai trouvé beaucoup trop cynique. Le héros est nombriliste et désabusé et la psychologie du personnage féminin est très superficielle (on voit bien que c’est un homme qui a écrit le livre^^). Du coup, on a l’impression d’entrer dans une sorte de spirale auto-destructrice et on sent la fin venir gros comme une maison. Un livre plutôt déprimant, et pas inoubliable,  quoique bien écrit.

Note :

Florian Zeller (1979) – Français
126 pages – 2003 – ISBN : 978-2-290-33604-5

Nancy Huston – Lignes de faille

Résumé :

Quatre narrateurs se succèdent tour à tour pour relater leur vision du monde quand ils avaient six ans : le premier, Solomon, est le fils du second, Randall, qui est lui-même le fils de la troisième, Sadie, qui est elle-même la fille de la quatrième, Kristina (il y a un arbre généalogique au début du livre pour resituer tout cela). Ces quatre regards s’échelonnent de 2004 à 1944 et font découvrir progressivement l’impact de la Grande Histoire (omniprésente en toile de fond) sur les destins individuels, chaque nouveau récit éclairant sous un angle inédit les personnages rencontrés au fil du roman.

Extrait :

Personnellement j’ai un lien spécial avec mamie Erra parce qu’on a tous les deux la même tache de naissance ronde et marron, la sienne est au creux de son bras gauche et la mienne à la base du cou – ou plutôt, à mi-chemin entre le cou et l’épaule gauche. Une fois, quand je passais le week-end chez elle dans un loft sur le Bowery, on a comparé nos taches et elle m’a dit que la sienne l’aidait à chanter alors je lui ai dit que la mienne me tenait compagnie, qu’elle était comme une petite chauve-souris perchée sur mon épaule gauche, qui me chuchote des conseils à l’oreille quand j’en ai besoin. Erra a tapé dans ses mains de joie en disant : “C’est formidable, Randall. Promets-moi de ne jamais perdre contact avec cette chauve-souris !” alors je lui ai promis.
Elle est tellement chaleureuse.
Je ne sais pas exactement ce que m’man a contre mamie Erra, à moins qu’elle ne soit jalouse parce qu’elle est si célèbre et que tout le monde l’admire. A mon avis, elle voit sa mère comme une rêveuse et une fois je l’ai entendue la traiter d’autruche à l’envers parce qu’elle a la tête non dans le sable mais dans les nuages, autrement dit elle refuse de s’occuper des dures réalités du monde.

Avis :

Ce livre me réconcilie avec Nancy Huston romancière. J’ai quand même eu un peu de mal avec le premier narrateur qui est assez antipathique et dérangé mais cela ne m’a pas du tout empêchée d’entrer dans le roman. Je trouve que sa construction est tout à fait judicieuse et réussie ; j’avais peur de me lasser des changements de narrateurs mais pas du tout. Surtout que choisir le point de vue d’un enfant de six ans est très intéressant : l’auteure réussit à être touchante et percutante dans cet exercice et le ton ne paraît pas artificiel. C’est passionnant de voir ce que la vie a fait des personnages et remonter dans le temps nous permet de comprendre chacun et de changer d’avis sur l’attitude de tel ou tel personnage. De plus, le regard qui est porté sur l’Histoire est tout à fait éclairant : elle n’apparaît qu’épisodiquement mais elle est le personnage principal du roman puisqu’elle fait et défait les destinées qui le traversent. Je suis sortie de ce livre vraiment enthousiaste : impressionnée, admirative et satisfaite de cette lecture.

Note :

Nancy Huston (1953) – Franco-canadienne
481 pages – 2006 – ISBN : 978-2-7427-6259-0

Sylvie Germain – Magnus

Résumé :

Suite à une grave maladie, à l’âge de cinq ans, Franz-Georg a perdu la mémoire et doit réapprendre le monde qui l’entoure, et jusqu’à son propre nom. Mais la gloire de l’Allemagne nazie, à laquelle ses parents vouent un culte aveugle, va bientôt connaître un tournant radical et c’est dans la fuite et l’errance que le jeune garçon va de nouveau faire l’expérience de la perte d’identité individuelle.

Extrait :

D’un homme à la mémoire lacunaire, longtemps plombée de mensonges et gauchie par le temps, hantée d’incertitudes, et un jour soudainement portée à incandescence, quelle histoire peut-on écrire ?
Une esquisse de portrait, un récit en désordre, ponctué de blancs, de trous, scandé d’échos, et à la fin s’effrangeant.

Tant pis pour le désordre, la chronologie d’une vie humaine n’est jamais aussi linéaire qu’on le croit. Quant aux blancs, aux creux, aux échos et aux franges, cela fait partie intégrante de toute écriture, car de toute mémoire. Les mots d’un livre ne forment pas davantage un bloc que les jours d’une vie humaine, aussi importants soient ces mots et ces jours, ils dessinent juste un archipel de phrases, de suggestions, de possibilités inépuisées sur un vaste fond de silence. Et ce silence n’est ni pur ni paisible, une rumeur y chuchote tout bas, continûment. Une rumeur montée des confins du passé pour se mêler à celle affluant de toutes parts du présent. Un vent de voix, une polyphonie de souffle.

Avis :

Dans ce livre, l’auteure choisit de relater un aspect original de la Seconde Guerre Mondiale, puisqu’elle est envisagée du point de vue d’un enfant innocent et à la recherche de repères identitaires. Loin de sombrer dans des clichés éculés, Sylvie Germain sait d’emblée nous rendre attachant ce jeune garçon qui tente de mettre des mots sur des évènements qui le dépassent. De façon sobre et intelligente, ce récit superbement écrit nous plonge dans la grande Histoire par le biais de la petite. On se passionne pour la quête existentielle du jeune Magnus qui va se révéler riche en rebondissements, mais aussi en émotions. Si j’avais deux petits bémols à formuler, ce serait sur la fin qui m’a laissé un goût d’inachevé et sur le style qui m’a paru parfois trop parfait (c’est terrible pour moi d’écrire cela alors même que je n’hésite pas à fustiger les auteurs qui ne savent pas écrire). En tout cas, ce fut une très belle découverte et je relirai cette auteure avec beaucoup de plaisir.

Note :

Sylvie Germain (1954) – Française
265 pages – 2005 – ISBN : 978-2-07-033648-7

Kazuo Ishiguro – Auprès de moi toujours

Résumé :

Kathy a trente et un an et est accompagnante. Elle apporte son soutien aux donneurs et les gens sont satisfaits de son travail. Ce n’est pourtant pas un métier facile, alors elle a tendance à se tourner vers le passé, vers le souvenir de Tommy et de Ruth, qui ont été élèves avec elle à Hailsham. Au fil de sa pensée, sa mémoire revient sur différents moments de sa vie auxquels elle essaie de donner sens.

Extrait :

L’album s’appelle Chansons après la tombée de la nuit et il est de Judy Bridgewater. Ce que j’ai aujourd’hui n’est pas la vraie cassette, celle que j’avais à l’époque à Hailsham, celle que j’ai perdue. Il s’agit de celle que Tommy et moi avons trouvée à Norfolk des années après – mais c’est une autre histoire à laquelle je viendrai plus tard. Ce dont je veux parler, c’est de la première cassette, celle qui a disparu.
Avant d’aller plus loin, je devrais expliquer toute l’affaire autour de Norfolk. Nous l’avons fait durer des années et des années – c’est devenu une sorte de plaisanterie pour initiés, je suppose – et tout est parti d’un certain cours auquel nous avions assisté quand nous étions assez jeunes.

Avis :

J’ai mis un peu de temps à entrer dans ce livre car j’ai été assez gênée au début par son côté pêle-mêle : Kathy raconte ses souvenirs comme ils viennent en faisant des allers et retours dans le temps qui sont d’abord assez perturbants. Et puis progressivement, de manière imperceptible, je suis devenue à mon tour comme une élève de Hailsham : me passionnant pour l’amitié chaotique de Kathy et de Ruth, m’attendrissant sur l’originalité de Tommy. Le génie de ce livre est qu’il fait cohabiter de façon remarquable et terrible deux temporalités inconciliables : celle insouciante de l’enfance et celle inéluctable de la finitude. Les personnages sont attachants parce qu’on s’identifie sans difficulté à eux, comme eux on est broyé par l’implacabilité du destin qui les attend. Et ce qui m’a le plus touchée, c’est la résignation de Kathy qui rend la narration épurée de tout pathos, mais qui en même temps a un effet incroyablement déstabilisant sur le lecteur. Ce livre m’a hantée pendant de nombreuses nuits : je n’arrivais pas à arrêter d’y penser. A voir aussi, sa très belle adaptation au cinéma : Never let me go. Je l’ai beaucoup aimée car elle restitue avec justesse l’atmosphère du film (la musique est sublime) et le personnage de Kathy a sonné particulièrement juste à mes yeux. Je vous invite à regarder la bande-annonce.

Note :

Kazuo Ishiguro (1954) – Britannique d’origine japonaise
441 pages – 2006 – ISBN : 978-2-07-034192-4

Rick Riordan – Héros de l’Olympe : Le héros perdu (T.1)

Résumé :

Lorsque Jason se réveille dans un bus de l’Ecole du Monde sauvage, il n’a aucun souvenir à part son prénom. Pourtant, ses deux amis Leo et Piper lui assurent qu’ils sont là depuis le début du semestre, et même que Piper est sa petite amie. Mais quand l’orage se lève et que les trois compagnons sont contraints d’affronter des esprits de la tempête, il s’avère que pour quelqu’un qui a perdu la mémoire, Jason a des réflexes impressionnants. Ils trouvent finalement du renfort apporté par deux élèves de la colonie des Sang-Mêlé : Butch et Annabeth, cette dernière étant à la recherche de Percy Jackson, qui a disparu trois jours auparavant.

Extrait :

-Pour ceux d’entre vous qui ne l’ont pas entendue, expliqua Rachel, la Grande Prophétie fut ma première prédiction. Elle m’est venue en août. La voici :

Sept sang-mêlé obéiront à leur sort,
Sous les flammes ou la tempête le monde doit tomber.

Jason se leva d’un bond. Il avait le regard fou, comme s’il venait de recevoir une décharge de Taser.
Même Rachel parut surprise.
-J-Jason ? Qu’est-ce que… ?
-Ut cum spiritu postrema sacramentum dejuremus, incanta-t-il. Et hostes ornamenta addent ad ianuam necem.
Un lourd silence tomba sur l’assemblée. Piper vit à leurs visages que plusieurs pensionnaires s’efforçaient de traduire les paroles. Elle savait que c’était du latin, mais elle ne comprenait pas pourquoi celui qu’elle espérait voir devenir son petit copain se mette à psalmodier comme un prêtre catholique d’antan.
-Tu viens de… finir la prophétie, balbutia Rachel.

Avis :

Le premier tome de cette série est la “suite” de Percy Jackson, à ceci près que le fils de Poésidon a ici mystérieusement disparu et que par conséquent, on retrouve le même monde mais avec de nouveaux héros : Jason, Piper et Léo. Je craignais cette suite qui prenait le risque d’essouffler une série très réussie mais pas du tout. Rick Riordan réussit un coup de maître : je me suis très vite attachée à ces nouveaux personnages. Le ton est d’emblée plus grave que dans la série précédente puisqu’une nouvelle prophétie a été proférée et que la victoire des demi-dieux sur les Titans n’a pas été aussi totale que prévue : d’autres ennemis rôdent, encore plus redoutables et on découvre de nouvelles révélations sur les Sang-Mêlé. Le tout est rythmé par un bon suspense, de l’émotion et de l’action. Que des éléments de bonne augure… mais il faut maintenant prendre patience puisque le tome 2 ne sortira pas en France avant l’année prochaine.
Merci à Leiloona qui m’a permis d’apprendre l’existence de cette nouvelle série.

Note :

Rick Riordan (1964) – Américain
561 pages – 2011 – ISBN : 978-2-226-22002

Claire Keegan – Les trois lumières

Résumé :

Parce que sa maman va bientôt accoucher, une petite fille est envoyée en vacances chez un couple qui n’a pas d’enfants. Elle trouve vite sa place dans cette maison où elle est choyée mais où semble planer l’ombre d’un secret.

Extrait :

Tout, ce soir, semble étrange : marcher jusqu’à une mer qui est là depuis que le monde est monde, la voir et la sentir et la craindre dans la pénombre, écouter cet homme parler des chevaux en mer, parler de sa femme qui  fait confiance aux autres pour apprendre à qui ne pas faire confiance, des paroles qui m’échappent en partie, des paroles qui ne me sont peut-être même pas destinées.
Nous atteignons finalement un endroit où les rochers et les falaises s’avancent dans l’eau. Ici on ne peut pas aller plus loin, il faut donc rebrousser chemin. Peut-être que le retour donnera un sens à la promenade. Çà et là, des coquillages blancs et plats brillent, rejetés sur le sable. Je me baisse pour les ramasser. Je les sens lisses, propres et fragiles entre mes doigts. Nous tournons le long de la plage et continuons notre marche, avec l’impression de parcourir une distance plus grande que tout à l’heure avant de nous trouver bloqués, puis la lune se cache derrière un nuage sombre et nous ne voyons plus où nous allons.

Avis :

J’ai lu ce livre suite à l’article de Leiloona. Mais j’avoue avoir été un peu déçue. Même si j’ai apprécié la narration toute en non-dits, j’ai eu le sentiment de passer à côté de l’essentiel, de ne pas avoir été suffisamment sensible à l’histoire et d’être restée sur ma faim. J’aurais aimé que plus d’éléments nous soient donnés sur le drame esquissé en toile de fond. Du coup, j’ai fini le livre un peu frustrée car j’en attendais trop. J’en retiens toutefois de jolis passages.

Note :

Claire Keegan (1968) – Irlandaise
100 pages – 2011 – ISBN : 978-2-84805-095-9

Stephen King – Duma Key

Résumé :

Edgar Freemantle a failli perdre la vie dans un très grave accident sur un chantier. Amputé de son bras droit, il doit subir une longue rééducation et le traumatisme consécutif à l’accident a aussi gravement affecté ses facultés motrices. Il a du mal à trouver ses mots et il s’énerve très facilement… au point d’entrer dans des colères noires qui effraient son entourage et notamment sa femme qui demande le divorce.
Grâce au soutien d’un psy et d’une kiné formidables, Edgar se remet progressivement et décide de commencer une nouvelle vie en Floride. Il loue pour un an une maison sur l’île de Duma Key. Là, dans la quiétude et le silence, bercé par le bruit de la mer et des coquillages, il se met à dessiner et à peindre, révélant un talent aussi éclatant qu’inattendu. Mais ses œuvres sont aussi fascinantes qu’inquiétantes et la force qui semble être à l’oeuvre sur Duma Key est moins inoffensive qu’il n’y paraît.

Extrait :

Le panier de pique-nique.
Le foutu panier de pique-nique rouge rempli des foutus dessins qu’elle avait faits.
Comme il me hante.
Même aujourd’hui, des années plus tard, je me prends à jouer encore au jeu des si, me demandant ce qui aurait changé si, laissant tomber tout le reste, j’étais tout de suite parti à sa recherche. Certes, il fut retrouvé – par Jack Cantori – mais à ce moment-là, il était trop tard.
Et peut-être (mais je ne puis en être sûr) cela n’aurait-il rien changé du tout parce qu’une force était entrée en action, aussi bien sur Duma Key que chez Edgar Freemantle. Puis-je prétendre que c’est la force qui m’y avait conduit ? Non. Puis-je affirmer le contraire ? Pas davantage. Le temps que mars cède la place à avril, elle n’avait fait que croître et étendre subrepticement son emprise.
Ce panier.
Le foutu panier de pique-nique d’Elizabeth.
Il était rouge.

Avis :

Encore un très bon Stephen King qu’on a du mal à lâcher une fois qu’on l’a commencé. Les personnages sont construits avec minutie : celui de Wireman est particulièrement réussi car dès le début il est terriblement attachant. Ce qu’il y a de bien avec Stephen King, c’est qu’on a beau voir les grosses ficelles, on se laisse quand même totalement emporter (moi, du moins). Il a le don de vous scotcher comme une araignée qui resserre sa toile sur vous : on a très envie de connaître la suite mais on est aussi terrifié. Je n’en menais pas large par moments, sursautant au moindre bruit parce que l’horreur est aussi présente par moments, et qu’elle fait son petit effet. En même temps, c’est super intéressant car le livre propose une réflexion sur la création et le prix qui est à payer en contrepartie : un vaste sujet que King abordait déjà dans Histoire de Lisey. En tout cas, cet auteur est vraiment un maître, le seul dont je suis restée une inconditionnelle depuis que je l’ai découvert (et Dieu sait que mes goûts en lecture ont évolué depuis mes douze ans) et je sais que je prendrai plaisir à relire ses livres dans mes vieux jours (car pour le moment, il y a beaucoup de nouveautés à découvrir).

Note :

Stephen King (1947) – Américain
647 pages – 2009 – ISBN : 978-2-226-19094-9

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