Eliette Abécassis – Un heureux évènement
Résumé :
Barbara est enceinte et découvre les désenchantements de la grossesse : dérèglements hormonaux, nausées, prise de poids, irritabilité. Le fait de devenir mère va petit à petit prendre toute la place dans sa vie, jusqu’à mettre en danger son couple. Ces problèmes ne feront que croître avec la naissance du bébé.
Extrait :
Nous nous aimions, nous étions amoureux et seuls au monde. Puis il y eut l’enfant. Et c’est là, à ce point précis, que notre aventure commença. Avant, ce n’était que balbutiements et hautes espérances.
Nous n’avions pas de raison de faire un enfant. Nous étions jeunes, heureux, amoureux. Ce n’était pas une nécessité sociale. Ce n’était pas une évidence. Ce n’était pas une évolution naturelle de notre relation, ce n’était pas par pression, ce n’était pas un projet.
Qu’est-ce qui nous a pris ce jour-là ? Etait-ce la rencontre de cet enfant dans les rues perdues de La Havane ? Une réponse à l’absurdité de la vie ? Mais d’où vient cette folie que les gens ont des enfants – qu’ils décident d’avoir cette outrecuidance ? Pour qui se prennent-ils ? Est-ce qu’ils savent ce qu’ils font, est-ce qu’ils ont bien conscience de tout ? Non, en fait, personne n’a rien compris. Comme le Bourgeois gentilhomme, ils font de la métaphysique et ils ne le savent pas. Ils font l’acte le plus commun et le plus inouï, qui consiste à reproduire l’humanité, en prenant en charge un petit d’homme. En étant responsables d’un autre, alors qu’ils ne le sont pas d’eux-mêmes. C’est vertigineusement banal. Ils se mettent à la place de Dieu, en toute innocence.
Avis :
J’ai lu ce livre parce que Rémi Bezançon l’a adapté au cinéma et qu’il sort bientôt, je tenais donc à le lire avant de le voir (vu que je n’aurais pas fait l’inverse). Si j’ai trouvé intéressante la façon de Barbara d’envisager la maternité, j’ai déploré le caractère caricatural des personnages qui ne sont finalement pas très attachants. L’intrigue est comme le style : sans relief. Ce que j’ai aimé en revanche, ce sont toutes ces réflexions sur la femme, la perception que la société en donne et les bouleversements qu’entraînent la maternité. Il me semble que l’auteure aurait eu tout intérêt à écrire un essai plutôt qu’un roman. Quant à la fin, eh bien, je n’en ai pas trop compris l’intérêt non plus… En tout cas, c’est un livre à vous dégoûter d’être enceinte et je suis contente de ne pas avoir de projet de maternité dans un futur proche car j’avoue que ça refroidit drôlement ! Enfin, espérons tout de même que Louise Bourgoin sera convaincante sur grand écran.
Note :
Eliette Abécassis (1969) – Française
153 pages – 2005 – ISBN : 978-2-253-12004-9
septembre 10th, 2011 à 7:53
Pas eu envie de le lire pour les raisons que tu évoques. Espérons que le film ait plus de relief !
novembre 8th, 2011 à 15:21
Tout comme toi, je pensais qu’il aurait été peut être plus judicieux d’en faire un essai plutôt qu’un roman. Mais je suis tiraillée par le fait qu’avoir un enfant est plus de l’ordre “d’une histoire” que d’un essai philosophique. De plus comment aurait-il possible d’inclure des “tranches de vie” dans un essai ? Car elles peuvent paraître banales mais finalement si elles ne sont pas là pour illustrer le propos on passe tout de même à coté de quelque chose. L’héroïne du livre souligne bien que l’arrivée d’un enfant dans sème le désordre sentimental et matériel dans la vie du couple. Dans un essai il n’y a pas de place pour le désordre. Je pense que c’est un sujet qui nécessite et impose une écriture assez impulsive. Je pense que nous sommes nombreux à noter quelques répétitions, mais que traduisent ces répétitions ? Un enfermement, Barbara s’est enfermé dans un cercle vicieux. “Elle est prisonnière des concepts” elle le dit elle-même. Elle n’arrive pas et plus à lutter contre ses sentiments contradictoires. Si l’on est un peu attentif elle ne progresse pas dans son raisonnement. Je pense que le danger principal est là. C’est ça le coeur du problème, elle part d’un constat, elle en tire des conclusions et reste sur ces conclusions. Elle n’essaie pas d’avancer et elle dit même qu’elle ne peut plus avancer.
Le propos est que certains blocages vont s’effectuer avec la venue de l’enfant et qu’il faut retrouver cette force juvénile (justement) afin de les dépasser.
Pour le style, il ne faut pas oublier que Eliette Abécassis est philosophe de formation. Et tout philosophe est un bien piètre écrivain. Il faut que la pensée soit claire, vivre et sans détours.
Je pense que c’est un ouvrage intelligent et sans prétention.
Pour ma part je ne trouve pas que ce livre dégoute de la grossesse où même d’avoir un enfant. Elle dit bien qu’elle a finit par comprendre le sens de la vie même grâce à la naissance de sa fille. C’est plutôt une note positive. Il ne faut pas oublier que c’est l’enfant qui nous fait grandir. Devenir parent est certainement très éprouvant parce que c’est cesser d’être enfant. C’est forcément un passage où on en apprend énormément sur soi-même.
Et c’est ça qui effraie tout le dans le fond. Savoir ne rend pas forcément heureux.
Tout le monde veut détenir la vérité, et le jour où l’on nous vraiment l’occasion d’en approcher on se défile. “ah non pas d’enfant pour le moment” ce n’est pas une coïncidence.
L’envie et la volonté de donner naissance à enfant pourrait se traduire par le fait d’être capable et prêt à recevoir la vérité.
La question est : Est-ce que je tiendrai le coup face à la vérité de la vie ?
novembre 8th, 2011 à 20:55
Karine : c’est vrai qu’un essai laisse moins de libertés qu’un roman. Mais dans ce cas-là, elle n’avait qu’à écrire un bon roman… (j’entends bien ton argument sur les philosophes ; je ne suis pas assez experte en la matière pour juger si tous les philosophes sont de piètres écrivains mais pour ma part, je préfère un écrivain efficace qui va me donner du grain à moudre pour méditer par moi-même plutôt qu’un philosophe qui ne sait pas écrire un roman)
Ta réflexion est très intéressante mais je ne suis pas d’accord avec toi concernant cette “force juvénile” que tu dis qu’elle n’arrive pas à retrouver. Je trouve qu’au contraire, elle s’enferre dans une nostalgie stérile de sa jeunesse : “comme ma vie était plus belle avant quand j’étais jeune, libre et amoureuse”. Je trouve que ce roman ne donne pas envie de tomber enceinte parce qu’il délivre un message désespérant : quand vous serez mère, vous ne connaîtrez plus l’amour tel qu’il vous a fait vibrer au début et le bonheur d’antan vous paraîtra comme désormais irrémédiablement inaccessible. J’ose espérer qu’elle a tort là-dessus.
novembre 8th, 2011 à 22:20
J’ai presque envie de te dire “rendez-vous dans dix ans ?” Je pense sincèrement que tant que l’on n’y sera pas passé on ne pourra que spéculer sur le sujet.
Mais ce que j’ai compris de ce “roman” c’est que l’enfant détruit le couple et le sauve par la même occasion.
Après de savoir si après un enfant nous sommes capables de vibrer comme avant, j’espère que oui. Je suis d’accord avec toi sur le fait qu’elle est très pessimiste sur ce propos. Et je crois que c’est que je reproche le plus à Barbara, elle ne se bat pour son amour. Ce qui me dérange, c’est qu’elle reste en surface des choses, en l’occurrence le fait que son bébé se met en travers de son couple. Elle oublie une chose essentielle à mon sens, l’enfant unit deux personnes à vie bien au-delà du mariage. Elle ne puise pas dans ce lien unique et inconditionnel la force qu’elle pourrait y trouver pour “sauver” son couple.
Si on regarde bien, elle parle de ce qui lui offre sa fille, et de ce que sa fille offre à son conjoint, mais elle ne parle jamais de ce que cette enfant offre à son couple. Je trouve ça fou quand même non ?
Enfin bref, évidement qu’il y a des choses à redire mais le fond est là. Après, en France c’est un peu à la mode le roman. Je ne sais pas d’ailleurs si tu as lu d’autres ouvrages d’Eliette mais apparemment c’est assez récurent son coté “roman pas vraiment roman”.
A bientôt !