Résumé :

Lorsque Giovanni Drogo arrive au fort Bastiani pour entamer une carrière dans les armes, il ne pense pas y rester bien longtemps. Ici, on surveille le désert mais personne ne croit plus vraiment à une invasion des Tartares, même si chaque soldat l’espère encore secrètement.

Extrait :

Jusqu’alors, il avait avancé avec l’insouciance de la première jeunesse, sur une route qui, quand on est enfant, semble infinie, où les années s’écoulent lentes et légères, si bien que nul ne s’aperçoit de leur fuite. On chemine placidement, en regardant avec curiosité autour de soi, il n’y a vraiment pas besoin de se hâter, derrière vous personne ne vous presse, et personne en vous attend, vos camarades aussi avancent sans soucis, s’arrêtant souvent pour jouer. Du seuil de leurs maisons, les grandes personnes vous font des signes amicaux et vous montrent l’horizon avec des sourires complices ; de la sorte, le cœur commence à palpiter de désirs héroïques et tendres, on goûte l’espérance des choses merveilleuses qui vous attendent un peu plus loin ; on ne les voit pas encore, non, mais il est sûr, absolument sûr qu’un jour on les atteindra.
Est-ce encore long ? Non, il suffit de traverser ce fleuve, là-bas, au fond, de franchir ces vertes collines. Ne serait-on pas, par hasard, déjà arrivé ? Ces arbres, ces prés, cette blanche maison ne sont-ils pas peut-être ce que nous cherchions ? pendant quelques instants, on a l’impression que oui, et l’on voudrait s’y arrêter. Puis l’on entend dire que, plus loin, c’est encore mieux, et l’on se remet en route, sans angoisse.
De la sorte, on poursuit son chemin, plein d’espoir ; et les journées sont longues et tranquilles, le soleil resplendit haut dans le ciel et semble disparaître à regret quand vient le soir.

Avis :

Voilà un livre dont j’ai entendu parler depuis longtemps mais dont je retardais la lecture, sans doute pour le savourer pleinement quand le moment me semblerait venu. J’en sors pourtant mitigée. J’ai beaucoup apprécié les passages ouvrant à la réflexion dans lesquels l’auteur évoque la fuite du temps et l’incapacité de Giovanni à en prendre conscience. Mais j’ai aussi regretté le manque de complexité de l’intrigue et l’impossibilité inéluctable de l’auteur à aller au-delà de cette sinistre vision de l’existence. En fait, la première évocation du temps qui passe est très réussie, elle est à la fois pertinente et poétique ; malheureusement, elle revient comme une litanie à intervalles réguliers, ce qui lui fait perdre de son relief. Dès le début, Giovanni paraît condamné à vivre cette vie, mais aussi très vite résigné. C’est peut-être ça qui m’a semblé le plus déprimant : ce regard pessimiste et désabusé sur la destinée humaine et aussi le fait que rien ne vient contrebalancer le désenchantement de plus en plus présent.

Note :

Dino Buzzati (1906-1972) – Italien
242 pages – 1949 – ISBN : 978-2-2530-0375-5