Résumé :

Un homme veuf et père d’une petite fille de 21 mois sombre peu à peu dans le désespoir. Il travaille à l’hôpital en tant que hyène pour reprendre ses termes (il est chargé d’annoncer aux parents des victimes la mort de leurs proches et de leur demander s’ils peuvent prélever des organes sur les corps) et exècre son métier. Il songe à en finir avec la vie.

Extrait :

Tu es trop petite. Tu ne m’aides pas. Tu ne m’aides qu’à regretter davantage l’absente car tu lui ressembles sans le savoir. Tu ne m’aides qu’à trouver le monde encore plus laid qu’il n’est peut-être en vérité, et je m’aveugle sur ces horreurs en ne voyant plus qu’elles, et en te regardant t’éloigner de moi, “papa, mon papa”, qui ne suis bon qu’à pleurer, à rester allongé sur un trottoir en attendant que quelque chose se passe, qu’une force me fasse rentrer sous terre, juste bon à rester prostré devant une affiche dans le métro qui représente un slip en coton blanc suspendu dans un vide noir.
L’aube est venue. Tu gémissais un peu encore mais c’était pour un rêve. Tu parlais sans doute à tes petits monstres de peluche.

Avis :

Un livre qui porte bien son titre : “J’abandonne”, c’est ce qu’on se dit après la lecture de quelques pages. Bon, moi j’ai continué, parce que (dieu merci) il n’était pas très long et puis quand même l’auteur était Philippe Claudel, mais rien n’y a fait… Le héros profondément dépressif est effroyablement ennuyeux : son regard désabusé sur le monde ne se concentre que sur les horreurs qu’il rencontre et qu’il prend plaisir à énumérer, histoire de s’enfoncer un peu plus dans le marasme de son existence. Les références continuelles à sa petite fille n’attendrissent qu’une fois ou deux ; très vite, on rend par les yeux ces mièvreries à pleurer d’ennui. Chaque personnage est une caricature effroyable, ce qui a toutefois le mérite de rendre le collègue du héros (qui est une brute antipathique au possible : macho, raciste, beauf et j’en passe) sympathique (en effet, le narrateur est tellement déprimé que le lecteur a lui aussi envie de lui casser la figure). Quant à la babysitter de la petite (couverte de piercings et ne pensant qu’à faire la fête, elle n’a toujours pas retenu le prénom de la fillette qu’elle garde quand même depuis plus d’un an – bonjour la vraisemblance), elle complète le tableau sombre et pessimiste de ce grossier pavé jeté dans la mare. Je veux bien comprendre qu’on ait des fois envie de cracher sur la société, mais là c’est quand même assez pathétique tellement ça manque de subtilité. Mes impressions de lecture tiennent en deux mots : AU SECOURS ! Après, il est vrai que le livre date de 2000,  et j’ai heureusement pu constater que Philippe Claudel a depuis appris à jouer sur la corde sensible avec autrement plus d’habileté (lire Le rapport de Brodeck, voir Il y a longtemps que je t’aime) mais c’est toujours désagréable de se sentir déçu par un auteur que l’on apprécie.

Note :

Philippe Claudel (1962) – Français
112 pages – 2000 – ISBN : 978-2-07-041803-9