Résumé :

En 1965, Anne Wiazemsky rencontre Robert Bresson qui recherche une actrice pour son prochain film “Au hasard Balthazar”. La jeune fille alors âgée de 18 ans va passer son été sur un plateau de cinéma ce qui sera pour elle une expérience très riche professionnellement bien sûr mais aussi très marquante pour cette jeune femme qui se cherche et qui doit supporter le caractère très (trop ?) protecteur de Robert Bresson.

Extrait :

Quai Bourbon, Florence me serre le bras encore et encore. Son visage irradie d’une joie sauvage et triomphante comme au sortir d’une terrible épreuve. Elle parle sans arrêt, elle rit, elle est très exaltée.
- Tu lui as plu tout de suite, je le sais, je l’ai senti au plus profond de moi… Il va t’aimer. Tu seras heureuse.
Nous longeons les bords de la Seine. Je regarde les pêcheurs à la ligne, les promeneurs. Celui que nous venons à peine de quitter, que je n’ose pas encore nommer, nous a raconté comment, à la fenêtre de son appartement, il avait assisté à quelques suicides. « C’est beaucoup plus fréquent qu’on ne le croit. Si, si, si… » Florence continue à monologuer. Parfois mon mutisme l’agace et elle me bourre de coups de poing, sans me faire mal, mais avec l’énergie d’un garçon. Elle veut m’inviter à boire un café dans un salon de thé anglais, de l’autre côté de la Seine :
- C’est là qu’il m’a donné rendez-vous, la première fois.
Elle s’est mise à chuchoter et je sens son haleine tiède sur mon cou, près de mon visage.
- Je te raconterai tout… Sur lui… sur la façon dont il se comportera avec toi.
Le ciel est couvert, mais un peu de lumière perce derrière les nuages. Un groupe de filles en chandail nous bouscule. La température s’est réchauffée depuis le matin, depuis le moment où Florence m’attendait devant mon immeuble. Il me semble entendre des cris d’hirondelles. Seraient-elles enfin de retour ? Un homme joue du violon, au milieu du pont Notre-Dame. Il est beau, jeune, inspiré tout à sa musique. J’aimerais m’arrêter et l’écouter. Florence continue à m’entraîner, à parler.
- C’est la fin de l’hiver, dis-je soudain.
Florence ne m’a pas entendue.

Avis :

J’ai beaucoup aimé ce livre que j’ai trouvé très “frais”. Anne Wiazemsky raconte ses débuts d’actrice en gardant l’innocence de la jeune fille qu’elle était, complexée et timide comme on peut l’être à son âge, à qui on offre un cadeau magique : avoir un grand rôle dans un film. L’écrivain nous entraine dans ses réflexions adolescentes, ses doutes, ses espoirs et ses peurs vis-à-vis de la famille, du cinéma ou encore de sa vie de femme sans pour autant tomber dans le côté mièvre qui gâche souvent les histoires de ce type. Outre cet aspect, ce livre est aussi l’occasion de découvrir Robert Bresson, homme à très forte personnalité tantôt tyrannique, tantôt génie au grand cœur.

Note :

Anne Wiazemsky (1947) – Française
209 pages – 2007 – ISBN : 978-2-07-035653-9