Art Souilleurs – Le coin lecture

Blog littéraire

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Timothée de Fombelle – Vango (T.1)

Résumé :

Sur le parvis de Notre Dame, Vango va être ordonné prêtre. La police surgit à ce moment : fendant la foule, le commissaire Boulard vient pour arrêter Vango, accusé d’avoir tué le père Jean, son ami et son protecteur. Vango, bon grimpeur, parvient à s’échapper en escaladant la cathédrale. Pourtant, des coups de feu se font entendre… alors que Boulard a ordonné à ses hommes de ne pas tirer. Qui est ce mystérieux russe à moustache qui en a après Vango ? Et cette jeune fille qui ne l’a pas quitté des yeux de toute la cérémonie ? C’est le début d’une longue traque pour Vango, et l’occasion pour le lecteur d’entamer aux côtés du jeune héros de fabuleuses aventures.

Extrait :

Vango poussa sur la pente de ce volcan éteint.
Il y trouva ce dont il avait besoin.
Il grandit avec trois nourrices : la liberté, la solitude et Mademoiselle. A elles trois, elles firent son éducation. Il reçut d’elles tout ce qu’il croyait possible d’apprendre.
A cinq ans, il comprenait cinq langues mais ne parlait à personne. A sept ans, ils grimpait les falaises sans avoir besoin des pieds. A neuf ans, il nourrissait les faucons qui plongeaient sur lui pour manger dans sa main. Il dormait torse nu sur les rochers avec un lézard sur le cœur. Il appelait les hirondelles en sifflant. Il lisait des romans français que sa nourrice achetait à Lipari. Il montait en haut du volcan pour se mouiller les cheveux dans les nuages. Il chantait des berceuses russes aux scarabées. Il regardait Mademoiselle couper les légumes avec des facettes impeccables, comme on taille les diamants. Puis il dévorait sa cuisine de fée.

Pendant sept ans, Vango crut qu’il n’aurait besoin de rien d’autre que de la douceur de Mademoiselle, que du monde sauvage de l’île, que du soleil et de l’ombre de son volcan.
Mais ce qui arriva autour de ses dix ans transforma sa vie pour toujours. A cause de cette découverte, son morceau d’île lui parut tout à coup minuscule. Ce fut en lui comme un incendie sous la mer. Le monde changea de couleur à ses yeux.
En remettant les pieds sur son petit paradis, il ne pourrait plus jamais s’empêcher de regarder, au-delà des falaises et du dernier rocher, l’horizon et le ciel.

Avis :

J’ai adoré ce premier tome ! J’ai quand même eu un peu peur au début : il y a énormément de personnages, d’aventures, de liens qui se tissent petit à petit, tout cela nous incite à rester bien attentifs. Mais c’est tellement bien fait ! Timothée de Fombelle construit son récit d’une main de maître, et comme avec Tobie Lolness, j’ai été envoûtée par la plume de ce talentueux auteur. Il joue avec les mots d’une façon merveilleusement poétique, il nous rend accros aussi bien à l’histoire qu’aux personnages. En plus, il parle de zeppelins, du début du XXème siècle, sur fond d’entre-deux guerres, mais sans tomber non plus dans le récit historique dogmatique. Chaque personnage est construit par petites touches, on apprend à les découvrir et à les aimer progressivement quand soudain, on se rend compte que ce livre est purement génial et que si on ne bossait pas le lendemain, on aurait bien suivi Vango jusqu’au bout de la nuit. Je me suis donc plongée illico dans le second tome, tout aussi prenant pour l’instant… mais il sera l’objet d’un autre article. En tout cas, ce roman est un petit bijou qu’il faut se procurer au plus vite.

Note :

Timothée de Fombelle (1973) – Français
371 pages – 2010 – ISBN : 978-2-75-11-0386-5

Emmanuelle & Benoît de Saint Chamas – Strom (T.1)

Emmanuelle et Benoît de Saint Chamas - Strom (T.1)Résumé :

Raphaël et Raphaëlle sont jumeaux et orphelins. Ils vivent avec leur parrain, Tristan, qui est journaliste. Un jour, il déclare vouloir leur faire une surprise et les emmène au Louvre : ils y découvrent l’existence d’une société secrète, la confrérie des Chevaliers de l’Insolite, dont ils vont pouvoir faire partie. Ils mènent désormais une double vie et apprennent l’existence de mondes parallèles, tout en développant leurs capacités mentales. Lorsque leur oncle se fait voler un précieux ordinateur, ils vont avoir l’occasion de montrer qu’ils sont dignes d’appartenir à la confrérie.

Extrait:

-C’est dingue comme tu lui ressembles… On lui enlève les lunettes et on lui met une perruque et boum ! c’est toi. En plus, vous avez le même prénom…
Raphaëlle soupira.
-Ça doit juste être la millionième fois qu’on me le dit, fit-elle en épinglant une nouvelle photo de vacances sur son pêle-mêle.
Il fallait reconnaître que son amie avait raison. Elle était bien le portrait craché de son frère, avec le même visage triangulaire, les mêmes traits fins, les mêmes yeux noisette légèrement en amande.
-Je détesterais avoir un frère jumeau, dit Suzanne en fronçant le nez. J’aurais l’impression d’être… euh… une photocopie.
-Sympa, merci pour la photocopie.
Raphaëlle et Suzanne s’étaient connues cinq jours auparavant, le jour de la rentrée scolaire.

Avis :

Même si cette série a un petit air de déjà-vu (sociétés secrètes, super pouvoirs et quête initiatique), la sauce prend puisque les personnages sont plutôt sympathiques. L’intrigue est bien construite et parsemée d’énigmes qui raviront petits et grands. Petit à petit, on se prend au jeu et on n’a plus envie de lâcher le roman. Ce qui est bien aussi, c’est que la fin invite à lire la suite, mais sans pour autant nous laisser sur un suspense insoutenable. Bon, j’avoue quand même que je suis très tentée par les deux tomes suivants mais ça tombe bien car ils sont déjà sortis.

Note :

Emmanuelle (1973) et Benoît (1970) de Saint Chamas – Français
299 pages – 2010 – ISBN : 978-2-7511-0379-7

Jean-Michel Payet – Mademoiselle Scaramouche

Jean-Michel Payet - Mademoiselle ScaramoucheRésumé :

Lorsque son père, un maître d’armes renommé, se fait tuer au cours d’un duel, Zinia Rousselières venge son honneur en combattant et en vainquant son assaillant. Mais cette jeune orpheline doit ensuite faire profil bas car on cherche à l’interroger sur les circonstances de la mort du jeune homme. Pourtant, Zinia n’est pas au bout de ses surprises : lorsque le caveau familial est ouvert, elle découvre que Zinia Rousselières y repose déjà aux côtés de sa mère. Quelle est donc la véritable identité de Zinia ? C’est dans cette quête riche en rebondissements que la jeune fille va se lancer.

Extrait :

-Lorsque tu es sortie de cette fièvre maligne, tu étais encore toute maigre et fragile. On ne te reconnaissait pas et, surtout, tes cheveux avaient changé de couleur. ta mère expliqua que c’était dû au remède qui t’avait sauvée. Les boucles qui s’échappaient de ton bonnet étaient devenues rouges.
Tout en disant cela, Suzanne continuait à caresser les longues mèches de la jeune fille, ces cheveux flamboyants qu’elle admirait.
-Du temps passa et les bruits qui couraient dans le bourg s’estompèrent peu à peu. pour finir, le regard de ton père sut faire taire toutes les langues. Puis ce fut à ta mère de tomber malade, mais elle n’eut pas ta chance. En peu de jours, elle rendit son âme à Dieu. Elle fut portée en terre par les quelques proches que tolérait ton père. Voilà. tu sais tout ce que je sais.

Avis :

J’ai passé un bon moment en compagnie de ce livre. Même si les rebondissements sont trop nombreux (à chaque chapitre, un nouvel imbroglio se met en place), ça a le mérite de divertir efficacement le lecteur. Par contre, je me demande si c’est très lisible pour un ado de treize-quatorze ans car déjà pour ma part, je n’étais pas loin d’avoir besoin de prendre des notes pour m’y retrouver. Il n’empêche qu’au fil des chapitres, j’y ai pris goût et le suspense étant efficace, je n’ai plus eu envie de lâcher le roman. Même si certaines scènes sont invraisemblables, notamment vers la fin, j’ai aimé découvrir le Versailles de Louis XIV, les troupes de théâtre itinérantes du XVIIème siècle, croiser Molière au coin d’un chapitre (eh oui car Zinia, en plus de démêler la pelote très enchevêtrée de son identité, rencontre du beau monde !). Zinia est un personnage sympathique et j’ai pris plaisir à découvrir sa vie palpitante le temps d’un roman. Une petite bouffée d’oxygène après le côté un peu plan-plan des livres précédents.

Note :

Jean-Michel Payet (1955) – Français
382 pages – 2010 – ISBN : 978-2-7511-0382-7

Cécile Chartre – Poil au nez

Cécile Chartre - Poil au nezRésumé :

Angel vit seul avec sa mère depuis dix ans. Dix ans que son père n’est plus là mais qu’il tient à porter comme lui la moustache. En ce 31 décembre 1999, tous ses amis débarquent chez lui pour préparer le réveillon. Mais Angel n’a pas très envie de les voir ; il attend avec impatience qu’il soit minuit pour pouvoir ouvrir la boîte que son père lui a remise il y a exactement dix ans.

Extrait :

De temps en temps, je sors l’album, celui qui est rangé dans la malle, à côté du canapé. maman appelle ça sa malle aux souvenirs, et je crois que ça ne lui fait pas de bien de se replonger dans tout ça. Dedans, elle y a gardé vos premiers mots d’amour, une rose, les vêtements que je portais à la naissance, mes premières chaussures, et cet album photo. Elle ne l’ouvre pas très souvent, cet album-là. Seulement quand je pose trop de questions. Seulement quand je crève tellement de ton absence qu’elle n’a plus le choix. Il faut qu’elle me parle. De moi, d’elle, et de toi, surtout de toi. Alors, elle déballe notre vie d’avant. Et je m’attarde sur les photos, les tiennes, les siennes. Les vôtres. Et c’est l’occasion pour elle de me raconter comment c’était, avec toi. Et moi, je n’ai plus qu’elle, pour savoir. Elle est devenue notre mémoire, maman. Notre mémoire à nous trois.

Avis :

Un petit livre qui se lit vite, rapide et efficace. L’histoire n’a rien de révolutionnaire : Angel est un jeune lycéen qui doit aller de l’avant malgré son passé douloureux. Le personnage est désarmant mais j’ai été un peu agacée par la focalisation interne adoptée tout au long du récit et qui fait que les pensées d’Angel sont adressées à son père. Bien sûr, j’en comprends le sens mais ça donne au récit un côté très artificiel qui m’a assez vite fatiguée (heureusement que le livre n’était pas très long). Encore un roman jeunesse qui me paraît très formaté : moultes difficultés à surmonter pour pouvoir grandir, tel sera le lot encore une fois de cet adolescent. Alors certes, chacun passe par un moment difficile durant la période de l’adolescence, durant lequel il va devoir apprendre à se construire et à trouver sa place dans la vie. Néanmoins, n’y aurait-il pas moyen de transcender le regard porté sur cette période transitoire en lui redonnant son relief, en lui rendant sa part de rêves fous et d’imagination détonante ? Moi à cet âge-là, je lisais pour m’évader, pour atteindre quelque chose qui allait métamorphoser mon quotidien, pas pour être perpétuellement renvoyée à ma triste condition d’ado. Décidément, les romans pour ados à problématique “sociologico-bien pensante” et tout dégoulinants de bons sentiments commencent à me taper sur le système. Et Poil au nez en fait les frais.

Note :

Cécile Chartre (1971) – Française
90 pages – 2010 – ISBN : 978-2-7511-0383-4

Claire Clément – La petite Caillotte

Claire Clément - La petite CaillotteRésumé :

Line a perdu sa maman une semaine après la naissance de son petit frère, Titouan. Dans un premier temps, elle n’a pas voulu s’occuper de ce bébé qu’elle tenait pour responsable de la mort de sa mère. Mais Caillotte (c’est ainsi que l’appelait sa Mamou) s’est finalement attendrie pour ce petit garçon qui souffrait du manque d’amour de sa famille. Par contre, son père et son grand-frère Tony font comme si l’enfant n’existait pas et quand la nourrice de l’enfant se casse le col du fémur, l’assistante sociale menace de placer Titou en famille d’accueil. Line a aussi un secret : elle a fait une rencontre extraordinaire dans la montagne. Un ours qu’elle a nommé Ivan. Mais les chasseurs veulent faire une battue pour se débarrasser de l’animal. Caillotte est bien décidée à se battre pour ceux qu’elle aime.

Extrait :

Pourtant, depuis sa visite chez oncle Willy, Line avait réagi pour sortir Titou de sa léthargie. Elle l’avait arraché à la mort qui déjà le tenait par un pied ! Jalais elle n’avait eu à combattre une telle forcenée, jamais elle ne se serait crue capable de cette énergie !
Line avait commencé à lui parler. Tout le temps, et de tout. Elle lui désignait par leur nom ce qu’elle lui donnait à manger, les bruits qu’ils entendaient. Elle lui racontait les histoires qu’elle connaissait, d’autres qu’elle inventait.
Elle l’avait conduit dans la forêt. Titou avait découvert le chant des oiseaux : celui mélodieux du bec-croisé, et celui strident de la bergeronnette. Line lui avait présenté l’écureuil dans sa niche, les deux hiboux amoureux. Elle lui avait montré les baies rouges qu’il ne devrait pas manger :
-Tu entends, Titou ? C’est du poison. Et le poison, ça tue.
Elle l’avait emmené au bord d’un torrent tumultueux, celui qui serpentait en bas de la maison. Elle lui avait montré le hoche-queue qui chasse les insectes au-dessus de l’eau, le cincle plongeur qui pique une tête dans le courant pour attraper les poissons ; la plage de sable et de cailloux où un jour ils iraient se baigner tous les deux. Elle avait même trempé un bout de son petit pied dans l’eau. Titou avait hoqueté de surprise en faisant la grimace. La petite Caillotte avait éclaté de rire. Lorsqu’elle riait, il essayait de l’imiter. Line lui avait appris à rire. Oh, son premier rire  ! Ce eptit bruit de gorge qui, un jour, l’avait saisi, timide, comme un minuscule moteur enroué. Titou lui-même en avait été étonné. Line s’était mise à pleurer et avait serré son petit frère très fort dans ses bras.
C’est ainsi que la mort avait lâché prise.
Aujourd’hui, son rire, Titou l’a gardé. C’est un rire solide qui n’est pas près de s’en aller.

Avis :

Ça doit être le fait d’enchaîner les romans jeunesse en ce moment mais j’ai été un peu lassée par les bons sentiments que prônait celui-ci. Je suis quand même entrée dans l’histoire et j’ai été attendrie par Caillotte et Titou, mais je ne sais pas, c’est sans doute le fait d’avoir à chaque fois un personnage tout mignon ; on se dit : “il est trop chou, les choses ne peuvent que s’arranger pour lui” et effectivement, c’est ce qui se passe. Bien sûr, les personnages sont confrontés à l’adversité, mais on sait déjà qu’ils vont s’en sortir sans qu’on ait pu vraiment trembler pour eux. Après, je ne suis plus dans la peau d’une ado, et peut-être que quand on entre dans cette période, on a besoin d’entendre un discours doux et rassurant (ça me rappelle le ton employé par Françoise Dolto dans Le complexe du homard). Il n’empêche que trop de bons sentiments tuent les bons sentiments et que je regrette parfois le manichéisme de la littérature jeunesse. Autre point que j’aurais à reprocher à ce roman : son invraisemblance par moments, notamment dans la relation qui unit Line à l’ours. Autant la développer progressivement, ça aurait pu ajouter une touche d’émotion au roman ; autant là, ce n’est absolument pas crédible. Bref, un bilan en demi-teinte pour moi mais ce roman plaira sans doute davantage aux plus jeunes.

Note :

Claire Clément – Française
226 pages – 2010 – ISBN : 978-2-7511-0376-6

Véronique Delamarre Bellégo – SOS ange gardien

Véronique Delamarre Bellégo - SOS ange gardienRésumé :

Kévin vit seul avec sa maman dans une cité. La vie n’est pas toujours rose et il aurait bien besoin d’un ange gardien pour venir lui donner un coup de main… Sitôt dit, sitôt fait : une jeune fille apparaît, elle peut lire dans ses pensées et lui donner des conseils. C’est une petite voix qui parle dans son cœur et qui lui dit qu’elle est là pour l’aider à traverser une mauvaise passe.

Extrait :

Je me lève, me regarde dans la glace du couloir : c’est bien moi, le Kévin du bâtiment C, de la 5e E, le “Ké-vain t’es moins que rien” de tous les jours.
Sauf que, là, ce matin, je n’en suis pas bien sûr, mais il vient peut-être de m’arriver un truc exceptionnel.

A moi, le presque fils de Kevin Costner et de ma maman qui m’a donné la vie.

Putain, c’est de la folie.

J’entends une petite voix dans mon coeur.

“J’aime pas les gros mots. C’est pas beau.”

C‘est vrai, moi non plus je n’aime pas vraiment les gros mots. J’en dis parce que ça le fait, tout le monde en dit, si t’en dis pas t’es zarbi – bizarre, quoi.
OK, je reprends.
Pour faire plaisir à la petite voix :

Purée, c’est de la folie !

Avis :

Un petit roman bourré de bons sentiments mais qui fait du bien au moral. Kévin est un personnage attachant, un ado un peu paumé dans lequel chaque jeune lecteur pourra retrouver une part de ses angoisses. Son ange gardien lui apporte une bouffée d’oxygène et d’espoir. Voilà une jolie fable sur la vie, servie par une écriture qui fait mouche : ce sont les pensées de Kévin dont on perçoit progressivement l’évolution. C’est quelqu’un de bien mais qui ne sait pas trop où il va et son ange gardien lui donnera un petit coup de pouce. On voudrait bien comme Kévin avoir une petite voix dans le cœur pour nous souffler des mots gentils quand ça ne va pas fort.

Note :

Véronique Delamarre Bellégo – Française
151 pages – 2010 – ISBN : 978-2-7511-0377-3

Christophe Léon – Granpa’

Résumé :

John vit avec son grand-père depuis l’âge de huit ans car ses parents sont morts dans un accident. Il l’accompagne pour saboter des machines de l’Arizona Oil Company. Car Granpa’ a déjà dû renoncer à son premier ranch : on a inondé ses terres pour construire une base nautique. Mais cette fois, il est bien décidé à ne pas se laisser faire.

Extrait :

Cet après-midi-là, nous avions parcouru des dizaines de miles sur les terres du ranch. Vers la tombée du jour, nous nous étions arrêtés sur les bords de la rivière Grante où mon grand-père et moi pêchions certains samedis. Les chevaux avaient bu en pataugeant dans le lit de la rivière. Granpa’ avait plongé dans l’eau courante son chapeau Stetson à larges bords. Il s’en était servi pour s’asperger le visage. Des gouttes de rivière s’étaient accrochées à ses sourcils. Les rayons du soleil couchant irisaient ces perles d’eau. Ils leur conféraient l’éclat sanguin du rubis.
-Fiston, j’ai quelque chose à te dire. Mais avant ça, je voudrais que tu regardes attentivement autour de toi. Oui, c’est ça. Que tu observes les arbres, les bêtes, et même le plus minuscule des insectes comme s’ils étaient de ta propre famille. je voudrais que tu manges l’air. Ne te contente pas de simplement le respirer. Sens-le vibrer dans tes poumons, te nourrir. Et je veux que tu me dises si ça vaut vraiment le coup.
-Qu’est-ce qui vaut le coup, Granpa’ ?
-De vivre, fiston. De vivre…
Pas encore huit ans et mon grand-père me demandait si ça valait le coup de vivre ! J’avoue que la question m’avait parue idiote. Ce fut avec un sourire moqueur devant l’énormité de celle-ci que j’avais répondu :
-Bien sûr, Granpa’ !
-Alors souviens-t’en et écoute ce que j’ai à te dire, fiston…

Avis :

Le sujet du livre ne m’inspirait vraiment pas et ce fut pourtant une jolie surprise : car avant de parler de ranches et de compagnies pétrolières, il évoque la relation privilégiée qui existe entre John et son grand-père. Dans les flashbacks de John, on lit tout l’amour et toute l’admiration qu’il porte à Gran’Pa. Cet homme est attaché à des valeurs simples et essentielles, qu’il est prêt à défendre coûte que coûte. A son contact, John apprendra la vraie valeur de la vie. Le livre est par ailleurs extrêmement bien écrit, ce qui donne à la réflexion menée par l’auteur tout le relief et la beauté nécessaires.

Note :

Christophe Léon (1959) – Français
59 pages – 2010 – ISBN : 978-2-7511-0380-3

Myriam Gallot – L’heure des chats

Myriam Gallot - L'heure des chatsRésumé :

C’est le dernier été d’Elise avant sa rentrée au collège où elle sera à l’internat. Alors elle veut profiter des moments passés avec Basile, son amoureux. Mais les grands qui traversent le village en mobylette et fument du cannabis troublent la tranquillité et l’insouciance de nos jeunes héros. Basile se met à traîner avec les grands et délaisse Elise qui, de son côté, recueille un chaton abandonné et fait la connaissance de “la vieille aux chats”. Cette vieille femme vient très tôt le matin nourrir les chats du cimetière et c’est dans son jardin que les jeunes du village viennent cueillir leur cannabis. Elle a une allure effrayante et des rumeurs circulent sur elle mais Elise commence à se lier d’amitié avec elle.

Extrait :

Je vois souvent Julie, Stéphanie et Pierrick. Avec eux, je suis ravie de redevenir une enfant car je sais de moins en moins ce que je suis. Une adolescente ? Pas encore. Une adulte ? Encore moins. Une enfant ? Plus vraiment. Eux ne se posent pas de questions, tout leur paraît évident, naturel. J’étais comme ça aussi, avant. Je ne le suis pas rendu compte que je changeais.
Je passe devant l’école du village et je suis envahie d’un drôle de sentiment, surtout quand je pense que je ne ferai jamais plus ce trajet le matin, de la maison à l’école. Quand je pense que je n’irai plus jamais à cette école. Je crois que c’est cela qu’on appelle la nostalgie. Mais je n’ai personne avec qui partager ce sentiment.

Avis :

Ce roman décrit avec beaucoup de délicatesse et sans tomber dans des clichés éculés le délicat moment du passage de l’enfance à l’adolescence. Il est écrit du point de vue d’Elise et on s’attache très vite à cette toute jeune fille (en même temps qu’on est très vite en colère après Basile). On apprend beaucoup de choses de façon détournée : Elise grandit au cours de l’été qui précède sa sixième et le lecteur saisit à travers son regard d’enfant des bribes de l’histoire de son village. J’ai été séduite par la densité de ce récit mais je ne sais pas si sa densité fait complètement écho chez de jeunes lecteurs parce que l’auteure mène une réflexion beaucoup plus adulte qu’elle ne le semble à première vue.

Note :

Myriam Gallot (1978) – Française
155 pages – 2010 – ISBN : 978-2-75-110378-0

Gigi Bigot & Pépito Matéo – Les chaussures

Gigi Bigot & Pépito Matéo - Les chaussuresRésumé :

Cet album raconte la vie d’une paire de chaussures, dont l’existence est bouleversée par l’arrivée de la guerre. Ces chaussures sont aux pieds d’une petite fille mais ce n’est qu’à travers le point de vue des chaussures que la perception des choses est envisagée.

Extrait :

Mais voilà qu’un matin, le chant d’un oiseau les a réveillées. C’était comme une caresse de printemps. Cet oiseau-là semblait très affairé : il n’arrêtait pas d’aller et venir, avec une brindille au bec, ou de la mousse ou bien encore une plume ! Son manège a duré des jours et des jours !
Il faut dire qu’il n’avait pas de temps à perdre : il construisait sont nid, un nid douillet pour son petit… tout au fond de l’une des chaussures. Lui non plus n’avait sans doute pas de quoi s’abriter. N’empêche, quand l’œuf a éclos, il en est sorti un petit oiseau tout ébouriffé, mouillé-collé avec une plume jaune sur le côté.

Aussitôt, dans un silence à tout casser, à tue-tête, il s’est mis à chanter !

Avis :

C’est un album tout en subtilité et en délicatesse. Faire parler les chaussures donne à l’histoire un caractère très poétique. Ce récit initiatique nous laisse entrevoir de façon très pudique le désarroi et le désespoir liés à la guerre, mais aussi la possibilité de tout recommencer. Les illustrations d’Isabelle Chatellard sont très parlantes et invitent à la double lecture : elles nous font comprendre que les chaussures ne sont pas magiques mais qu’elles évoquent par métonymie une souffrance beaucoup plus réelle : celle des populations touchées par des conflits qui les dépassent mais les font souffrir.

Note :

Gigi Bigot (1950), Pépito Matéo (1948) – Français
2011 – ISBN : 978-2-7511-0381-0

Annie Ernaux – L’atelier noir

Annie Ernaux - L'atelier noirRésumé :

Annie Ernaux publie dans cet ouvrage son journal d’écriture de 1982 à 2005 : il s’agit des diverses interrogations qui la traversent concernant son œuvre en cours d’élaboration, ce qu’elle veut écrire, ce dont elle cherche à rendre compte dans ses livres et les difficultés inhérentes à la forme qui se posent à elle. Ce matériau nous offre un éclairage précieux sur les livres qu’elle a publiés et notamment sur Les Années, vaste projet de “roman total” qui a entraîné chez l’auteure un long questionnement sur sa mise en forme.

Extrait :

Commencer un livre, c’est sentir le monde autour de moi, et moi comme dissoute, acceptant de me dissoudre, pour comprendre et rendre la complexité du monde.

(Extrait du journal d’écriture du 5 juillet 1990)

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14 mai

C’est depuis octobre 83 que je veux faire une vie de femme, un “roman total”.
Le forme que je donnerai à la résolution de mes problèmes structurels ne peut être que celle qui correspond à qq chose de ma vie. Ce sera, dans mon livre, ce qui sera seulement et pleinement unique.
Il me paraît évident qu’une vie en narration romanesque est une imposture. Plus je pense à mon “histoire” plus elle est en “choses” extérieures (fond) et fragments (forme). les romans nous font croire que la vie est dicible en roman. Rien n’est plus une illusion. Fausseté de “l’autofiction” (en dehors de S. Doubrovsky).
Il y a un aspect auquel je pensais beaucoup il y a 10 ans, pour le RT : une vie de femme. Comment le faire voir dans ce que j’ai commencé ? (si je refuse le “je” ?).
Le pb du sensible, de l’émotionnel et de l’Histoire, non réglé.
Le pb de l’intériorité sociale, non réglé.

(Extrait du journal d’écriture de 2002)

Avis :

Voilà un livre tout à fait passionnant, surtout pour moi qui ai travaillé pendant un an sur l’œuvre d’Annie Ernaux (du coup, mon seul regret est qu’elle ne l’ait pas publié plus tôt). S’il est vrai que l’auteure inclut beaucoup de questionnements sur les formes que peut prendre son écriture au sein même de ses ouvrages en général, on se rend véritablement compte en lisant ce journal que sa préoccupation principale est l’articulation entre ce qu’elle veut dire et la forme à lui donner pour exprimer avec force la vérité qui préside à la création de chacun de ses livres. Ce livre va à l’encontre de l’image de l’écrivain-génie inspiré, il témoigne au contraire d’une recherche incessante, faite de tâtonnements et d’échecs et nous donne une idée du travail et de la difficulté que peut représenter le fait d’écrire. Un livre fort, qui laisse entrevoir encore une fois la profondeur et la qualité des réflexions qui poussent Annie Ernaux dans l’acte d’écriture.

Note :

Annie Ernaux (1940) – Française
203 pages – 2011 – ISBN : 978-2-36166-009-3

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