Timothée de Fombelle - Vango (T.2)Résumé :

Vango est bien décidé à se venger de celui qui a tué ses parents, espérant aussi par la même occasion découvrir la vérité sur ses origines. Entre traque et fuite, la course éperdue de Vango se poursuit, de l’Europe à l’Amérique sur fond de montée du nazisme à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale.

Extrait :

Trois semaines plus tôt, ils ne se connaissaient même pas. C’était dans le ciel de New York, la première nuit du voyage. Ethel aurait aimé y être à nouveau et tout revivre éternellement, seconde après seconde, en commençant par les premiers mots :
-Tu ne parles jamais ?
Bien sûr, elle n’avait rien dit, c’était sa réponse à toutes les questions du monde depuis cinq ans. Elle s’était penchée avec son verre d’eau à la fenêtre. Ils étaient cent mètres au-dessus des plus hauts gratte-ciel. La nuit verticale étincelait sous eux.  Elle en chercha même pas à savoir qui s’adressait à elle.
-Je t’ai vue avec ton frère, dit-il. Tu ne dis jamais un mot. Il s’occupe bien de toi pourtant.
Cette fois, en tournant la tête, il découvrit ses yeux verts posés sur lui.
Tous les autres passagers dormaient. Elle était sortie de sa cabine pour boire de l’eau et elle avait trouvé ce garçon, assis dans l’ombre, dans la petite cuisine du dirigeable. Il épluchait des pommes de terre. Il devait travailler là comme garçon de cuisine.
Elle alla vers la porte pour sortir et rejoindre sa cabine. Elle entendit une dernière fois :
-Si tu veux, je suis là. Je reste là. Si tu ne dors pas, je m’appelle Vango.
Ces derniers mots étranges l’arrêtèrent dans son élan. Elle se les répéta.
“Et si je m’endors, est-ce qu’il s’appellera encore Vango ?” pensa-t-elle. Elle le regarda à nouveau, malgré elle. Elle vit qu’il épluchait ses pommes de terre comme des pierres précieuses, avec huit faces parfaites. Elle vit surtout qu’il ne ressemblait à rien ni personne de ce qu’elle connaissait. Elle sortit de la pièce.
Le zeppelin était déjà loin de la côte. Manhattan n’était qu’un souvenir lumineux dans le ciel.
Vango dit :
-Moi aussi, tu sais, j’ai prononcé très peu de mots dans ma vie. C’est ton silence qui me rend bavard.
Elle fit un sourire qui la trahissait.

Avis :

Mon résumé est succinct parce que je ne voudrais pas dévoiler l’intrigue ; et puis de toute façon, je serais bien incapable de trier les informations tant l’histoire est complexe. Toujours est-il que j’ai dévoré ce second tome avec autant de voracité que le précédent : on progresse (lentement mais sûrement) dans la quête d’identité de Vango. On retrouve ses fidèles alliés et ses ennemis jurés et l’auteur continue de tisser des liens de plus en plus enchevêtrés entre tous les protagonistes du récit. Le suspense est mené d’une main de maître puisqu’à chaque page, on découvre un nouvel indice et on est émerveillé de la façon dont tout se tient. Le seul bémol que je pourrais noter, c’est que j’ai été frustrée parfois que certains personnages ne soient pas assez creusés, comme Hugo Eckener par exemple, qu’on perd de vue dans ce second tome, Andreï dont le parcours devient plus que flou et Boulard qui disparaît aussi sur la fin.  Mais il est vrai que construire une intrigue d’une telle ampleur est à double tranchant ; le romancier a créé des personnages très beaux et attachants donc on a tendance à toujours vouloir en savoir plus sur eux. Après, il faut aussi démêler l’écheveau compliqué qui s’est mis en place autour du héros dans le tome précédent et donc sélectionner les éléments les plus importants ; mais je n’aurais pas été contre un peu plus de délayage, quitte à avoir droit à un troisième opus pour faire durer le plaisir. En tout cas, c’est une saga ébouriffante qui m’a fait passer des moments de pur bonheur. Avec toujours en toile de fond ce sens aigu de la poésie qui achève de donner du charme à l’écriture. Une série à mettre entre toutes les mains.

Note :

Timothée de Fombelle (1973) – Français
393 pages – 2011 – ISBN : 978-2-07-063891-8